Gerda Alexander a créé l’Eutonie par une recherche constante, tout au long de sa vie. Elle insiste pour que l’Eutonie soit vivante, non dogmatique. Elle a trouvé ses principes peu à peu, aux prises avec la maladie qui la touche très jeune et qui la condamne au handicap. Elle reste combattive, refuse l’inexorable destin qu’on lui prédit et cherche en elle-même ce qui l’aide, lui permet de préserver sa mobilité, lui évite des douleurs.
Formée à la rythmique, au théâtre, elle se nourrit de spectacles de danse, d’opéra, elle se forge une observation très avertie du mouvement, des réalisations des acteurs, des musiciens. Elle vient très vite à soutenir leur projet artistique en leur proposant de travailler la manière d’habiter leur corps, de se fondre dans le rôle joué, de faire corps avec l’instrument de musique, l’outil. Ses interventions étant porteuses de progrès dans des expressions diverses, profondément marquée de son rapport à la création, à l’Art, elle approfondit la pratique, s’adresse à de nombreuses personnes, artistes, musiciens ou danseurs, ainsi qu’à des enfants, des personnes en souffrance, handicapées.
Elle s’intéresse aux disciplines de son époque, en espérant que ses découvertes soient confirmées par les progrès scientifiques, ceux des neurosciences, ce qui sera le cas pour l’intention du mouvement par ex. L’œuvre de Gerda Alexander est imprégnée de son contexte historique, de l’évolution de la société européenne du XXème siècle, de l’après-guerre, de la place accordée au corps dans l’éducation, dans la santé, etc. Elle est corollaire de mouvements importants, concernant la place de l’enfant, de celui qui reçoit un enseignement (pédagogies dites actives, Freinet, Dalcroze,…), rapport du maitre à l’élève, repris aussi par les courants philosophiques, existentialisme, phénoménologie, les mouvements socio-politiques de l’époque, déterminant des choix, des engagements. Puis, par rapport à ce que renseigne le corps, de l’identité, et de la place qui lui est dévolue, assignée, elle participe à cette remise en question : comment envisager le corps, le défendre, l’épanouir ? Elle participe avec ses contemporains à l’avènement des mouvements des années 60, libération de la femme, de la sexualité :
« Notre corps nous appartient »…
Ayant trouvé en elle-même ce qui la soutenait, lui convenait, elle n’a pas la prétention de faire appliquer un savoir mais elle propose à chacun une recherche, un moyen de mieux connaitre son corps, but non suffisant en lui-même mais au service des actes entrepris par la personne, dans ses projets quotidiens, artistiques, professionnels, dans des démarches de soins pour soi ou pour d’autres. Elle s’adresse ainsi à un large public.